Rêve On Off
Je l'avoue, je t'ai oubliée par instants. Je n'ai pas pensé à toi tout le temps...
Et puis les quelques heures affichées poussant leur moitié suivante, alors que
le sommeil promettait de s'y mettre, tu m'as rempli la tête aussitôt les
paupières vissées. Comme dans un accident j'ai ouvert les yeux dans un mûr mur
soyeux. Comme ça, direct. Une innocente bouffée asphyxiante. Un non-sens appliqué au
corps, une absurdité décalquée sur la raison. Une alliance de maux pour un bienfait.
J'ai senti tes mains caresser et chercher dans mes entrailles, les tripes
exposées à la douceur d'un souffle. Le poids d'un corps
et la légèreté d'une lévitation mêlés.
L'extension jusque dans la poitrine, et tes mains qui s'amusent avec le cœur à présent. La grâce de
l'inconscience, la dextérité, l'aisance d'une frivolité. Souple malgré la
pression. L'élégance incongrue d'une sensation oppressante et stimulante. Un bien être dingue malgré l'affliction, et un sommeil récalcitrant embrassé à
bras ouverts.
Si seulement je savais me rappeler mes rêves j'aurais de nouvelles images
de toi...
Tu pourrais me les dessiner toi-même et tourbillonner dans mon bouillon, ce
serait viscéralement plus hasardeux encore, tripalement plus éperdu, mais tellement plus doucement exaltant, tellement plus prodigieux. Tellement plus.
Moins d'une poignée de tours d'horloge ensuite elle est encore elle
et je deviens tu.
Tes yeux sont vraiment trop lucidement ouverts sous des paupières désespérément closes. Ta peau
s'oublie de n'être pas une autre. Elle te semble plus froide sous la main qui sait ne pas être
une autre.
Tu sens pourtant la chair qui boue.
Entre ces deux, peau et chair, c'est
une onde ou un crépitement.
Tantôt elle te parcourt sans savoir où se loger. Frissonnant
le moindre interstice sous-cutané des orteils à la surface du crâne. Amplifiant
son ondoiement à proximité du cœur et du ventre. Tantôt il irradie l'éther
entre le vif et l'enveloppe. Les muscles ne comprennent plus. Pas plus que l'esprit
ne trouve de sens au puzzle à remonter sans cesse. Trop de pièces qui ne s'imbriquent
pas dans le lot de départ. Le dessein reste incohérent. Le sommeil fugitif t'aide
à voir, paradoxalement. Trop. Trop comme la veille, trop comme le matin d'avant
et celui encore avant. Les milliers de pièces supplémentaires n’ont pas le rôle
que tu leur prêtes. C'est le cadeau bonus. Elles sont là pour déborder, pour
fabriquer des images indépendantes. Ne cherche pas à les faire tenir, l'intellect
te gâche. Il n'y a pas de règle, au moins tu sais que tu ne veux rien
envisager. Si simple que ça complique.
Surtout ne pas perdre une pièce, surtout
ne corner aucun bout de carton.
Sans doute…
Avec trop de doutes tu
construis tes petites images hors de l'incroyable puzzle.
Et la nuit s'en fiche le quand, la nuit sans fil de
temps en temps...