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immixtion
3 avril 2006

Sous seing privé

La première fois que j'ai posé une main sur la poitrine d'une femme, c'était une fille.
C'était aussi la première année de ma vie.
J'avais suivi mes parents dans leurs changements et avais tiré de bon gré un trait radical sur des années d'enfance. Je vidais tout juste mes premières bières et mes premiers paquets de JPS noirs, et cette nuit-là, un car nous menait où l'on brasse la Carlsberg et où l'on fume des saumons à la chair blanche.

La nuit de ce car inventait une obscurité approximative qui la tenait serrée contre moi.
Elle portait avec la grâce que cela impose le prénom d'Agathe. Mi elfe mi lutin mutine, ses yeux avaient ces éclats de pierre que soulignait la cicatrice sous l'un d'entre eux. Certains ne voyaient que ça, moi je ne voyais qu'elle. Un autre de ses plus beaux charmes n'était pour eux que ce léger défaut qui laissait parfois paraître le désaccord de ses lèvres. Celle supérieure s'accentuait en effet sensiblement vers la droite selon le mot prononcé. Moi ça me faisait fondre, et je n'avais que l'envie de prendre cette lèvre entre les miennes.
C'est ce que j'ai fait, cette nuit-là, piégés dans ce cargo de nuit.

Nos baisers avaient une profondeur et une sensualité inconnues jusqu'alors, reléguant les précédents au statut d'expérimentation. La vanité crue de l'espoir que leur désir avait longtemps suscité chez moi en a d'autant plus marqué le souvenir, je crois.
Le car s'était endormi pour nous empêcher de détacher nos bouches, et nous allions passer notre première nuit blanche, douce et blanche comme sa peau de quinze ans. Elle avait ce diaphane sur un sang d'est, et la prestance dénuée de l'hautain. Précieuse simplement.

Et c'est elle. C'est elle qui a glissé ma main sur sa peau, toute cette peau dont je ne connaissais rien. Ma main n'en croyait pas ses yeux, mais les miens savaient dans les siens aller et venir aux halos extérieurs. Et ma main a vu son sein porté haut et nu, à l'opulence idéale au tact de mes quinze ans. Elle sentait le fourmillement et les frémissements de sa peau jusqu’au plus ferme bouton. Sa main lui expliqua qu'elle pouvait empoigner sans perdre son velouté, elle l'a très bien saisi, quitte à nous échapper en soupirs. Ma main n'en croyait pas ses oreilles. Toute cette peau, toute cette chair, ce fut aussi sa moiteur sous mes doigts, ses mains emportées sur moi, et on a dû se mordre un peu pour rester silencieux.
Jamais le désir ne m'avait autant brûlé et le plaisir autant noyé.

Mais le lendemain fut jour à désenchanter.
Elle ne m'expliqua pas pourquoi la suite ne serait pas, son envie ne semblait pourtant pas celle-là.
Plus tard j'ai su. J'ai su l'amour de sa jumelle. La fausse. Celle dont certains préféraient la beauté de papier, plus échauffés par sa beauté glacée. Celle dont je n'ai jamais eu envie de toucher la peau.

Je me souviens d'hier, à demain pour en brûler à nouveau.
Ni de cette peau ni de cette chair, mais de cette fièvre à nous consumer.
Tant d'années d'un même corps, ce temps damné pour une première fois encore.
Je ne sais pas si ton grain convient au mien, pourtant j'en sens l'attraction commune.

Assouvir le saint dessein d'y trouver les plus sensibles.
Par ma bouche de tes lèvres à ton cou, tracer un chemin, le suivre et fuir les raccourcis. Par une main qui cherche sa place, à ta place, entre ta nuque et tes reins, du bout des doigts y glisser de sains dessins. Par l'autre calée à la hanche, profitant de tes chairs les plus tendres, le pouce attendri par ta peau la plus fine à la naissance te ta cuisse, sentir chacune de tes fibres en tension.
Et par mes yeux au plus profond des tiens, m'introduire dans le sein des seins.

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Commentaires
M
Joseph,<br /> Ouais, je me demande d'ailleurs d'où est ressorti ce souvenir... bein que marquant, il était depuis longtemps enfoui hors de portée.<br /> L'envie de retrouver les sensations d'une première fois a dû mettre la main dessus.<br /> Merde... ma fille aura un jour 15 ans...<br /> <br /> Mad',<br /> Les souvenirs je sais pas, mais en ce qui me concerne...
M
le satin d'une peau à souvenirs érectiles...<br /> ce teint à rebours survenir encore…
J
Si les "fonds de cars" parlaient, nos enfants partiraient en voyage linguistique à vélo... <br /> <br /> Pourquoi ces 15 ans appuient-ils avec autant de force sur l'accélérateur de nos expériences ? Pourquoi en un seul été, la boule à neige de notre enfance se renverse-t-elle pour relever les jupes et saouler nos vies ? Pourquoi ces clichés d'adolescents prennent-ils avec les années cette teinte trop dorée ?<br /> <br /> merde...ma soeur a 15 ans...
I
Non non, tu peux rester, j'ai failli la faire celle-là en fait.<br /> (Parce qu'à l'époque...)
B
Cela me rappelle la chanson d'Harisson I got my mind set on you.<br /> <br /> Parce qu'avec mon accent, ça donne Agathe my mind set on you...<br /> <br /> Ok, je sors.
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