29 décembre 2006
désinvolture, négligence
« La désinvolture et la négligence se manifestent par le même laisser-aller apparent. Mais dans un cas il y a du caractère ; dans l'autre, seulement une insouciance méprisable. Tout est dit : la désinvolture est un art ; la négligence est un tort.
Il y a moins, dans la désinvolture, une volonté mal intentionnée que l'expression naturelle d'une sorte de je-m'en-foutisme gentil et élégant (...). Dans la négligence, on ne trouve que le vide de l'omission stupide (...) et les signes d'un cerveau ou bien inattentif ou bien peu lumineux (...). Ni l'une ni l'autre ne sont volontaires, mais la désinvolture se cultive alors que la négligence « se néglige » — l'une serait davantage « consciente » que l'autre.
Est désinvolte celui qui — sans effort — fait de son apparent désintéressement une manière d'être au monde ; est négligé ou négligent celui dont la bêtise ne lui permet pas d'apprivoiser son défaut — encore faudrait-il distinguer les deux formes de l'adjectif : la première focalise les regards sur le paraître de l'individu (...) ; la seconde, sur l'attitude de l'individu envers l'extérieur (...).
La désinvolture est un style de vie ; la négligence, une vie sans style. L'une n'est pas dépourvue de grâce (...) ; l'autre reste bloquée au manque d'application (...). Une règle n'étant rien sans exception, personne ne confondra une « femme négligée » avec une femme « en négligé » : voilà un cas de « négligence soignée »...
L'indifférence de l'être négligé est alarmante de vérité (« négligence » vient du latin neglegere — construit avec nec, « ne pas », et legere, « recueillir » — signifiant « ne pas s'occuper de », « être indifférent à ») ; celle du désinvolte est si excessive qu'on en vient à percer son mystère : la désinvolture est le paradoxe de l'hyperémotif. Le désinvolte est un sensible ; le négligé, un insensible.
Ce qui me surprend toujours dans la désinvolture (de l'italien disinvolto, « dégagé », issu du latin volvere, « dérouler » — d'où le sens psychologique : quiconque a l'« esprit déroulé » se sent libre, dégagé dans ses mouvements), c'est cette espèce d'aisance naturelle de l'individu à traverser le réel avec détachement, presque avec talent : il y a en elle comme l'affirmation — doucement provocatrice — d'une insoumission, d'une liberté effrontée ; la négligence trahit plutôt une incapacité à maîtriser les choses. La désinvolture est une philosophie du quotidien (...) ; la négligence n'a rien d'une sagesse.
La désinvolture peut irriter ceux qui n'en ont pas le don : à leurs yeux, elle est insolence, impertinence (...). Bien sûr, pratiquée à l'extrême, avec moins d'art que d'irresponsabilité, la désinvolture peut mener à la décadence. (...) »
Rémi Bertrand
Un bouquin n'est pas un livre Les nuances des synonymes
Collection Le goût des mots
Editions Points
26 septembre 2008
La désinvolture, quel régal mes amis, quelle pied. Se sentir désinvolte, c'est se sentir léger devant la lourdeur envahissante de ce monde où les gens ont les pieds empétrés dans une chappe de plomb...
Oui, c'est bon d'être désinvolte et je l'assume, bien que ça énerve toujours les gens...
29 décembre 2006
Marie,
C'est toi qui l'dit... et ma bulle est à toute épreuve, c'est une matière spéciale.
ph&-no,
Ben tant qu'à faire...
Garg,
Ben tant qu'à faire...
lyza,
Je suis fort désappointé.
Et s'il y a bien une chose que je n'aime pas, c'est être désappointé.
C.,
C'est vrai que les personnages sont attachants, mais le scénario reste un peu creux.
01 janvier 2007
Je m'en voudrais, en lecteur régulier de ce blog, de ne pas signaler à son auteur, entre désinvolture et négligence, la sprezzatura.
http://ruinescirculaires.free.fr/index.php?2006/10/13/305-xxxx
06 janvier 2007
piccolofio,
Merci, et pour le plaisir que j'ai à te lire aussi.
donydami,
Joli lien, merci beaucoup, quelques mots retiennent mon attention tout particulièrement : "l'absolu contraire de l'ostentation", "une façon alerte et aimable de de ne pas entrer dans la violence et la bassesse d'autrui"...
jujuly,
J'ai dit que je ne lisais pas moi ? Non, mais que ce goût m'est venu tardivement et que je lis somme toute assez peu, oui peut-être.
Goul,
A-t-on seulement conscience de sa négligence...
Le risque n'est-il pas plutôt celui de passer pour négligent aux yeux de ceux que cela irrite ?
Mais le désinvolte ne prend pas réellement de risque, il a l'indéniable avantage de se battre cordialement les couilles de leurs appréciations.
A tous,
Puisqu'il est d'usage de réitérer ce genre de vœux chaque année - au cas où peut-être l'on voudrait revenir dessus, je ne sais pas -, et puisque je suis quelqu'un de poli, je vous la souhaite bien bonne et bien belle, cette année.
07 janvier 2007
Le détachement apparent n'induit pas l'absence de souffrance, bien au contraire, et je te renvoie au texte : « le paradoxe de l'hyperémotif ».
C'est peut-être juste le meilleur moyen pour certains de ne pas se trancher les veines, ou de ne pas s'arracher les couilles, puisque c'est le fil rouge poétique...
J'avoue que je préfère quand même me les faire sucer.
10 février 2008
Merci pour la désinvolture.
Mal perçue, mal comprise.
C'est une clé pour une sorte de modernité dans la création.
J'aime la désinvolture ne serait par son côté qui agace.
Elle est beaucoup plus profonde que ce que l'on veut bien en croire.