Artefact
Dénudée par la nuit, la peau nacrée d'un clair de lune, tu viens toujours comme pour m'effaroucher lentement les yeux. Tu viens encore, un pas, puis l'autre. Le sourire contrit, tu as les pieds meurtris par ce sol en saillies. Brisé et épars, je suis comme ce verre à terre. Un pas, lentement appliqué du talon aux orteils, puis l'autre. Le regard vert de douleur, vert de lune et de peur, tu te campes là sur ton envie. Tu te plantes là sur ton sang et me laisses sans toi pour un temps infini. Ton désir à deux doigts de mes mains, les tiennes se retiennent et s'abstiennent de montrer une quelconque pudeur. Sous ton sein gauche elles laissent à mes yeux fissurés l'une des graines de ta beauté. Les miennes comptent dix doigts de ce désir qui ne s'évanouit pas. Dix doigts à se tordre et à crisper sur la moindre de mes pensées. Je sais bien la douleur, mes genoux aussi y sont posés.
J'en avance un, traînant mon sang jusqu'à tes pieds, puis l'autre.
Sous ma joue c'est alors la douceur de ton ventre et le cri de tes entrailles. Nos yeux referment les blessures de nos sangs mêlés. Mes lèvres sèches glissées sur ta peau si fine vont jusqu'à se commettre sur les tiennes lissées sylphide. Ton dévorable cou laisse ta chevelure venir lécher ta cambrure et je te brise les jambes d'une chaleur de langue. De mes mains noircies je te retiens par les hanches, laissant les traces indélébiles de mes fouilles sur ta peau blanche.
Quand à tes pieds je me prosterne, je nous repends pour que l'on se reprenne. Devant l'objet de mon désir dédié à notre culte. Devant cet autel érigé de mes mains en ton nom. De mes mains noircies, de mes mains brûlées, je laisse en offrande les braises vivantes retrouvées sous les cendres. J'en tapisse un lit pour que l'on y vautre encore nos corps. Pour que l'on y cautérise nos plaies. Pour à nouveau voir scintiller tes yeux de nos plaisirs cramés. Pour ressentir nos corps s'aimer en corps.
Nous ne sommes que des anges à la solde de nos démons. L'absolution n'est qu'à l'ivresse de notre graal, ce calice d'abondance pour nous saouler de nos encores. Pour ne plus nous abandonner qu'à l'autre, ne plus nous adonner qu'à nous...
Nous vouer enfin à notre accidentel amour.